Papa raconte moi l'allaitement
Ça fait deux ans que ma femme allaite.
Au départ elle ne savait pas si elle allait allaiter.
Elle me disait « Je vais essayer la tété d’accueil et puis on verra bien. » Pour moi il n'y avait rien de plus naturel. Alors quoi de plus normal d'au moins essayer ?
Le jour de sa naissance, notre fille n'a pas pu faire de peau à peau avec ma femme. Amenée urgemment dans une pièce à coté de la salle d'accouchement, pour l'aider à s'oxygéner. Je n'ai pas quitté ma fille, tandis qu'on l'enlevait à ma femme sans lui laisser d'explications.
Retrouvant sa petite deux heures plus tard, elle lui donna sa tété d’accueil comme elle l'avait désiré. Pour moi c'était plus que ça. J'y voyais comme un premier peau-à-peau, un contact qui n'avait pas pu se faire, une erreur réparée. Je pouvais voir ma fille paisible dans les bras de ma femme qui l'était autant.
A la maternité ma femme continua a allaité. Déjà, la désinformation au sujet de l'allaitement nous amena, sous le conseil du personnel hospitalier, à donner des biberons de lait de vache. Je prenais plaisir à lui donner ses biberons puisqu'on m'avait dit que c'était pour son bien, que le lait de ma femme ne lui suffisait pas. On ne connaissait pas encore ni son allergie, ni les méfaits des laits d'animaux. Le lait bovin l’abîmait sans que nous le sachions, mais ma femme, naturellement, se rendait compte que les tétés qu'elle donnait, les rendaient toutes les deux épanouies. Ce qui l’amena à vouloir continuer « encore un peu ».
Le retour à la maison fut catastrophique. Les pleurs de la petite étaient soulagés que par le lait cicatrisant de ma femme, un bercement vertical au bout de mes bras (évitant le reflux en doublant ma masse musculaire) ou l'épuisement qui l'endormait. Bref 4 ou 5 heures sans pleurs sur une journée de 24 seulement. Quand nous disions à notre entourage, que la petite pleurait beaucoup, ils nous répondait que c'était un bébé, qu'il fallait l'assumer, sans prendre conscience de l'ampleur réelle de la situation.
Noël arriva avant son deuxième mois de vie. La famille présente à notre domicile pour fêter ce jour, ceux qui nous avait dit qu'il était normal qu'un bébé pleure, prirent conscience que quelque chose clochait. Ma femme cherchait sans arrêt des réponses, sur ces pleurs, et sur l'allaitement sans cesse remit en cause par l'entourage ou du pédiatre : « Ton lait ne lui suffit pas » « Tu l'affames » « Elle a besoin d'autre chose que du lait.»
Mais en guerrière chevaleresque voguant à la cause de sa progéniture, ma femme ne lâchait rien. De recherches en discussions, de discussions en conseils, des explications furent trouvée ; notre petite a un reflux comme un grand nombre de bébés vous me direz...
Le lait de vache étant inadapté à l'humain et particulièrement aux bébés, il créait souvent des reflux chez les bébés allergiques ou intolérants.
Mais ma femme allaitait, alors d'une logique implacable, au 3 ème mois de la vie de notre fille, elle en déduit avec l'aide d'autres mamans; « puisque le lait de vache est mauvais pour l'humain, qu'il créait des reflux, et que ma fille a un RGO, alors c'est les produits laitiers que je mange, qui font souffrir ma fille ». Et n'en déplaise au pédiatre, la guerrière partie en croisade contre les PLV de ses placards. Pour se former à ce régime elle se renseigna encore et encore. Elle le fit au plus strict qu'il puisse se faire, et de son abnégation entière les douleurs de ma fille cessèrent.
On découvrit du jour au lendemain une fille merveilleuse, souriante, dormant aussi.
Another Love
Pour moi la place d'un père n'a jamais était remise en question sous peine qu'une femme allaite, sous peine qu'une femme est pleinement mère parce qu'elle est pleinement femme.
Comme si parce que ma femme allaite, je ne peux pas jouer avec ma fille, lui faire des bisous, des sourires, ou la faire rire.
Comme si lui donner le bain, lui changer la couche, ou aller la chercher dans son lit pour l'apporter à sa mère pour qu'elle vienne téter, ne comptaient pas plus pour des parents … et pour l'enfant qu'un biberon qu'on serait allé chercher au pis d'une vache.
Comme si l'allaitement c'était 100% du temps consacré à un bébé et qu'une femme volait ce temps à son homme.
Et comme ma femme est pleinement mère, je suis pleinement père.
Je me levais chaque fois que mon bébé avait faim pour la déposer dans les bras de sa mère nourricière. Je lui ai donné presque tous ses bains depuis sa naissance, mais je crois que ce qui fait avant tout de moi un père, ce n'est pas les « tâches » que j’accomplis quotidiennement (aussi importante soient elles) mais ce qui fait de moi un père c'est le temps.
Celui que je passe avec ma fille à lui changer la couche comme à simplement la regarder, à lui donner le bain comme à jouer avec elle.
Celui que je passe à soutenir ma femme parce que le père que je suis fut d'abord un mari et que c'est de notre amour qu'est né un autre amour.
Bref ce qui fait avant tout de moi un père c'est mon temps que je prends pour aimer.
Il a fallu des jours, des semaines, des mois à nous battre pour que notre entourage comprenne simplement qu'il y avait un problème. Et de ses longs mois sans dormir, j'ai vu une femme merveilleuse, se battre pour sa fille, s'oubliant entièrement pour le simple bonheur de sa fille. J'étais auprès d'elle, la soutenant dans ses démarches actives, « parce qu'on sait jamais », et puis je la voyais heureuse quand notre fille s'apaisait à son sein. Quelle magie de voir, dans ces minutes d’apaisement, ces petits moments de bonheurs, de chaleur humaine dont notre société manque tant, juste au bras de ma femme, contre sa peau, une bouche rose aspirer de l'amour !
Ce petit miracle dure encore aujourd'hui. Et en mon âme et conscience, informé du pour et du contre, je ne peux que soutenir fièrement ma femme et ma fille s'échangeaient leur amour dans ce moment propre à elle.
Parce que ce lait maternel, apaise, guéris, et réconforte ma fille, il lui apporte tout l'amour de ma femme, il est le symbole de ce combat qu'elle a mené, à s'oublier soi même, juste pour que notre fille ne souffre plus. Il est par ce fait, cet amour qu'elle lui porte.
Le Papa de Lyli